mercredi 9 janvier 2013

Zazie dans le métro - Raymond Queneau

Informations :

Auteur : Raymond Queneau
Éditions (collection) : Gallimard (Folio Plus classiques)
345 pages
5,30 €

Quatrième de couverture :

Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t'y conduirai. - Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con. - Qu'est-ce qui t'intéresse alors ? Zazie ne répond pas. - Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui t'intéresse ? - Le métro.


Mon avis :

Sceptique. Voilà très exactement quel fut mon état d'esprit lorsque j'appris en mai dernier que nous étudierions cette année ce monument de la littérature d'après guerre. Bien que n'ayant jamais lu de Queneau, je n'ignorais pas que sa notoriété se fondait et se fonde aujourd'hui encore sur un sens du style disons plutôt... décapant. Une plume qui suscite chez le lecteur soit un sentiment de rejet que je qualifierai de quasi immédiat, soit un engouement de ceux qui ne se comprennent qu'après coup, lorsque l’œuvre a été analysée plus en profondeur. J'avoue donc que les premiers chapitres m'ont quelque peu déconcerté, voire même profondément choqué, adorateur de notre belle langue française que je suis... Et puis, au fil des pages (mais surtout rétrospectivement), mon intérêt pour cette lecture n'a cessé de grandir, pour finalement me laisser en bouche un agréable arrière-goût de sucré. Car Zazie dans le métro n'est pas une œuvre dont on s'abreuve comme on ingurgiterait un alcool quelconque ; elle est un peu comme un grand crû qu'il convient de garder en bouche un certain temps, si l'on souhaite en apprécier tous les arômes, mais aussi en percer tous les secrets (si tant est qu'une telle chose soit possible). Coup de rétro sur un monument qui m'a fait reconsidérer nombre de principes que je pensais nécessaires à la bonne qualité d'un récit.

Première page. Première ligne. Premier mot.

« Doukipudonktan »
 
Dès le début, Queneau plonge le lecteur dans la perplexité la plus totale. Comment ne pas être dubitatif devant un tel style ? Comment ne pas douter de la bonne santé mentale des éminents diplômés de Lettres à l'origine du programme de littérature ? Les pages défilent les unes après les autres, toutes emplies des fantaisies les plus improbables, et la perplexité laisse peu à peu place à une question que tout bon lecteur se pose lorsqu'il bouquine un livre : que me raconte cette histoire ? Où l'auteur veut-il m'emmener ? Avec Zazie, la réponse n'est pas toute simple. Les hypothèses fusent, toutes plus loufoques les unes que les autres, mais aucune ne parvient à véritablement prendre le dessus. Et puis survient ce passage :

« Paris n’est qu’un songe, Gabriel n’est qu’un rêve (charmant), Zazie le songe d’un rêve (ou d’un cauchemar) et toute cette histoire le songe d’un songe, le rêve d’un rêve, à peine plus qu’un délire tapé à la machine par un romancier idiot. »
 
Alors seulement, tout s'éclaire. On se laisse délicieusement bercer par le récit de la petite Zazie, qui déambule avec ses compagnons dans un Paris qui semble n'être qu'un vaste terrain de jeu. On se laisse surprendre par cette histoire, par ses bizarreries et son burlesque délirant. Un rire nous échappe. Et puis d'autres encore. Comme ça, sans qu'on ne se pose plus de questions. Viendra bien sûr le temps de la réflexion. Mais pas maintenant. Pour le moment, on savoure. Et ça nous suffit.

La lecture de Zazie, c'est un peu comme ça. Je pourrai " m'essprimé " des pages et des pages sur les éléments qui m'ont fait reconsidérer cette œuvre dans son entièreté, mais je ne saurai retranscrire avec les mots de notre langue française (du moins telle que nous la connaissons) toute la force novatrice de ce roman. Et comme je ne me sens pas capable de vous " l'esspliqué " dans ce style si cher à Queneau, je me contenterai de vous dire qu'il s'agit sans aucun doute du livre le plus original et le plus singulier que j'aie lu de toute ma vie.

Un livre qui conviendra tout particulièrement à ceux qui sont en quête d'une véritable réflexion sur ce que doit être la langue, et plus généralement un récit. Mais Zazie, c'est aussi et surtout une histoire truculente et touchante, qui nous conte les premiers pas d'une gamine dans un monde d'adultes qui ne cessera de la décevoir. Une lecture qui a donc ébranlé les codes auxquels je m'étais habitué, mais que j'ai tout de même adoré ! Et je pense que je vais m'arrêter ici. Car comme dirait Laverdure, « je cause, je cause, c’est tout ce que je sais faire ».



Les petits extraits qui font envie :

« - Moi, déclara Zazie, je veux aller à l'école jusqu'à soixante-cinq ans. [...] Je veux être institutrice.
- Pourquoi que tu veux l'être, institutrice ?
- Pour faire chier les mômes [...]. Je serai vache comme tout avec eux. Je leur ferai lécher le parquet. Je leur ferai manger l'éponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derrière. Je leur botterai les fesses. Parce que je porterai des bottes. En hiver. Hautes comme ça (geste). Avec de grands éperons pour leur larder la chair du derche.
- Tu sais, dit Gabriel avec calme, d'après ce que disent les journaux, c'est pas du tout dans ce sens là que s'oriente l'éducation moderne. C'est même tout le contraire. On va vers la douceur, la compréhension et la gentillesse. [...] D'ailleurs, dans vingt ans, y aura plus d'institutrices : elles seront remplacées par le cinéma, la tévé, l'électronique, des trucs comme ça.
- Alors, déclara-t-elle, je serai astronaute.
- Voilà, dit Gabriel approbativement. Voilà, faut être de son temps.
- Oui, continua Zazie, je serai astronaute pour aller faire chier les Martiens. »

« Du sous-sol émanait un grand brou. Ah ah. »

« - J'ai trouvé, hurle alors Charles, ce truc-là, c'est pas les Invalides, c'est le Sacré-cœur.
- Et toi, dit Gabriel jovialement, tu ne serais pas par hasard le sacré con ? »

« Pourquoi, qu'il disait, pourquoi qu'on supporterait pas la vie du moment qu'il suffit d'un rien pour vous en priver ? Un rien l'amène, un rien l'anime, un rien la mine, un rien l'emmène. »

5 commentaires:

  1. Une magnifique chronique! Un vrai écrivain notre Kaegen :p
    J'avais déjà envie de lire ce livre, et après ton avis je dois dire que je suis encore plus intriguée! En tant qu'amatrice de l'insaisissable et du non-conformisme, ce livre devrait être fait pour moi !

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    1. Coucou toi :D !

      Un vrai écrivain ? :o Je n'irai pas jusque là :p Mais merci, ça me touche <3
      Alors, si tu es une amatrice de l'insaisissable et du non-conformisme, je peux t'assurer que tu ne seras pas déçue par le voyage ! :) Tente l'aventure :D

      Bisous <3

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  2. Je plussoie (je sais, ce verbe est horrible) : superbe billet! J'adore Zazie dans le métro, lu il y a longtemps déjà, mais tu me donnes envie de m'y replonger. Bravo!

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    1. Merci beaucoup Tasha :D Je crois que moi aussi je le relirai, parce que je suis persuadé qu'une lecture ne suffit pas à saisir toutes les subtilités de l'intrigue ^^

      Bisous bisous !

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  3. Tes critiques incitent vraiment à la lecture !
    Je n'arrête pas d'entendre parler de ce livre et il me tente aussi énormément

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